Mieux courir... plus vite, plus efficacement, en diminuant le risque de blessures, c'est finalement le Graal que nous poursuivons tous plus ou moins.
J'étais en train d'écrire une petite introduction pour vous présenter mes séances de transitions et cette introduction a pris "un peu" d'ampleur...Je vous la livre donc comme un billet autonome.
Ce n'est pas un article très structuré, je dirais simplement que ce sont des réflexions ouvertes d'un noob sur le courant minimalisme et son antithèse, un courant piloté par les fabricants qui nous offrent maintenant une nouvelle gamme de chaussures : les "sur-amorties".
Courir oui mais comment ?
Toute la question est donc de savoir comment parvenir à "mieux courir". Même si cette problématique est globale (i.e. elle concerne l'ensemble du corps), ce billet apporte une réflexion réductrice sur l’influence du choix des chaussures sur cette quête du Graal.
Histoire de susciter des réactions, je vais nous placer dans trois bonnes grosses cases bien artificielles, attention caricature incoming !
- Catégorie 1 - le pro-consumer
LA chaussure du pro-consumer |
- Catégorie 2 - le paumé
La chaussure du paumé victime du vendeur du "vieux shop running" local |
- Catégorie 3 - L'homme des cavernes
La chaussure de l'homme des cavernes quand il doit courir sur des clous, sinon c'est pied nus !! Merde on n'est pas des fillettes ! |
Après ce gentil défoulement, où je veux en venir ? On voit nettement deux tendances apparaître sur l'évolution des chaussures qui sont complètement opposées dans leur approche :
Les chaussures "sur-amorties"
Elles vous promettent monts et merveilles (surtout en trail et particulièrement en descente) sans effort... ou presque.
Exemple de discours marketing sur les Technica Diablo :
Tecnica fait une entrée fracassante en Trail avec la Technologie semelle « TR MAX Oversize ». Une semelle impressionnante de par son volume soit le double d’une chaussure de trail classique et 30 % de surface d’appui supplémentaire pour seulement 350 g. Elle se base sur des matériaux de qualités et sur une géométrie oversize garantissant en excellent roulement, amortissement et stabilité le tout dans une structure légère. La relance est dynamique, les montées s’effectuent avec des appuis plus légers et les descentes deviennent ludiques. Pour de la longue distance sur terrains accidentés ou non, en compétition comme en entraînement.
C'est la continuité de ces 20 dernières années avec un assistanat de plus en plus marqué. Évidement les tenants du minimalismes hurlent au loup puisqu'elles sont totalement antagonistes avec leurs propres conceptions.
Même si je n'ai pas adopté cette approche, j'avoue avoir été tenté. Pourquoi ? Toujours dans le même but : courir plus efficacement et sans blessure. Si on s'arrête au discours marketing de ces fabricants (parfaitement relayé par les vendeurs des boutiques spécialisées françaises, notez le), c'est alléchant. D'autant que certains traileurs en sont très contents, il suffit de lire certains récits sur kikourou sur la gestion des descentes avec ces chaussures pour être "titillé".
La philosophie générale ici est de faire plus confiance à la technologie qu'à son propre corps. Pour atteindre ses objectifs, on utilise des aides, de plus en plus d'aides. En quelque sorte, on "externalise" la solution au problème qu'on ce pose tous : comment mieux courir et sans blessure.
L'avantage de cette approche est son immédiateté, il suffit de sortir un chèque, mettre les chaussures au pied et c'est parti. Les tenants du minimalisme vous diront que cela sera forcément une catastrophe à long terme. Notez seulement que si les études scientifiques ne montrent pas que les chaussures amorties ont diminuées les blessures à long terme, une analyse objective des études sur le minimalismes ne le démontrent pas non plus.
Les chaussures minimalistes.
La philosophie ici est totalement opposée : plutôt que de confier son "avenir" de coureur à la technologie, on se la ré-approprie en entier.
Comparer la semelle avec le modèle ci dessus :-) |
Ici l'idée maitresse est d'habituer son corps aux contraintes en le respectant ! MAIS c'est un chemin long, particulièrement périlleux où les possibilités de "tomber dans un puit sans fond" sont nombreuses.
Si beaucoup de blogueurs insistent sur la nécessaire progressivité (sans, parfois, s'appliquer à eux-mêmes les conseils qu'ils donnent), ce n'est vraiment pas pour rien. L'adoption de chaussures minimalistes doit s'accompagner d'une remise en cause complète de sa technique de course en particulier et de la gestion de son corps en entier en général.
Pour le coureur moyen, c'est un chemin long, difficile, sans grande visibilité sur le long terme... Mais c'est le chemin que j'ai finalement choisi après de nombreuses hésitations. Je ne reviendrais pas sur toutes les raisons de ce choix, j'en rajouterais seulement une que je commence à ressentir après ces séances : c'est incroyablement gratifiant !
Cela me force à appréhender mon corps d'une nouvelle manière et c'est tout simplement passionnant. Je me rends compte que ma posture est à améliorer, que ma foulée est à améliorer, que mon attaque est à améliorer, que... etc etc. Mais le génial là dedans c'est... que je m'en rends compte, que j'en ai conscience ! Et que donc je peux (essayer de) le travailler.
Remarquez aussi que ce courant est très peu relayé dans les boutiques françaises. Et si certains ne prenaient pas les minimalistes de haut, parfois avec beaucoup d'arrogance couplée d'ignorance, il serait difficile de leur lancer la pierre : imaginez vous devoir vendre un produit qui va nécessiter une remise en cause totale de quasiment tout ce que fait l'acheteur ! Cela me parait extrêmement difficile à faire, la démarche minimaliste doit être un choix personnel et surtout avec les risques clairement évalués, pas un choix de vendeur qui essaye de placer sa
Alors ? Minimalisme ou sur-amortissement ?
Comme toujours la modération doit être au rendez-vous. Voici quelques éléments
1. il n'existe pas de preuves scientifique irréfutables que l'adoption de chaussures minimalistes diminueront l'apparition des blessures sur le long terme.
2. il n'existe pas de preuves scientifiques irréfutables que les chaussures amorties de ces 20 dernières années ont diminués l'apparition des blessures. Je n'ai hélas pas l'accès à l'article en entier mais j'ai été lire une réponse contradictoire courte, je vous livre un résumé rapide vu que je trouve la réflexion intéressante : en substance l'auteur défend l'idée que le fait de porter une chaussure "sophistiquée" réduirait les risques en absolu mais qu'en réalité ils ne les réduisent pas car le coureur se sentant "en sécurité" avec, ne ferait plus attention à l'endroit où il pose ses pieds ce qui aurait pour effet d'augmenter les risques de blessures ^^ Bon... c'est un peu tiré par les cheveux mais c'est intéressant comme élément de réflexion sur sa pratique.
3. vu la complexité de remise en cause lié à l'adoption du minimalisme, c'est à dire qu'il est très facile de ce louper complètement en en faisant trop, qui peut dire, en prenant en compte ce problème, que les chaussures minimalistes seront ou feront "mieux" que des chaussures sur-amorties ?
Je vais essayer de développer cette idée clairement : admettons que le minimalisme bien géré est meilleur pour la santé et prévient bien les blessures sur le long terme. Il est également admis qu'on peut facilement ce louper avec une chaussure minimaliste en en faisant trop, ce qui conduira inéluctablement à la blessure. Il semblerait que la "marge d'erreur" soit plus faible avec une chaussure minimaliste. Par marge d'erreur, j'entends la tolérance que possède notre corps à encaisser des erreurs qui pourraient conduire potentiellement à la blessure.
De ce fait, sur 100 personnes, combien vont réussir à aller au bout de leur transitions minimalistes sans ce louper et donc sans se blesser ?
De même sur 100 personnes avec des chaussures sur-amorties, compte tenu de l'incroyable adaptabilité du corps humain, combien seront effectivement blessés à moyen ou long terme ?
La question reste ouverte...
4. minimaliste = d'une manière ou d'une autre, signifie de tout reprendre à zéro pour le commun des mortels : vous n'avez pas commencer à courir en faisant 5 séances par semaine ? (ou alors vous avez vite arrêté ou vous pouvez faire une bise à votre corps pour sa capacité à encaisser). Donc même si vous courez x fois avec des chaussures amorties, imaginer que vous êtes un débutant complet en quand vous chaussez vos chaussures "zero-pente" me parait fait preuve de grande sagesse.
5. minimalisme = pas UNE chaussure universelle.
C'est quelque chose qui reste en filigrane dans tous les blogs, toutes mes lectures mais n'imaginez pas TOUT demander à UNE chaussure minimaliste, je suis convaincu qu'il va falloir la spécialiser.
Faire un marathon avec des Vibram Five Fingers, c'est surement possible pour quelque uns, c'est suicidaires pour nous les quidams moyens (c'est un avis personnel de débutant minimaliste, souvenez-vous en). Pourquoi ? Parce l'adaptation corporelle doit être énorme avec ce type de chaussures, on doit avoir habitué son corps à faire "tout le boulot" dans une épreuve particulièrement exigeante. Alors quelqu'un qui court minimaliste depuis 10 ans, qui pèse 60kg, qui a un renforcement musculaire énorme, ok je veux bien. Pour un Homo Sapiens Modernicus moyen... attention !
Si je devais faire une segmentation, j'imagine bien un tableau où l'on croise le travail d'adaptation (transition), le poids, le type de chaussure et la distance. Là encore, c'est très intuitif comme démarche, à vous de voir ; j'avoue que je suis curieux de voir si mon avis évoluera sur cette question avec le temps et en fonction des expériences vécues vers ma transition minimaliste.
Début d'adaptation et/ou surpoids
0-10 : chaussure de transition type Sancory Kinvara
10+ : chaussure amortie (éventuellement un peu allégée)
Adaptation moyenne et/ou "poids dans la norme"
0-10 : chaussure zéro drop (pente talon avant à 0) possible (type VFF ou Merrell Trial Glove)
10-20 : chaussure de transition avec un amortie minimum et une petite pente de 4mm, genre Sancory Kinvara
Marathon + : chaussure amortie
Adaptation avancée ET poids de forme coureur
0-10 : zéro drop
10-20 : zéro drop (coureur avec renforcement musculaire important, poids léger, grande expérience sur son travail de foulée et de posture) ou pour un coureur normal : chaussure de transition avec un amorti minimum et une petite pente, genre Sancory Kinvara.
Marathon : soit type Kinvara soit type Sancory Mirage qui contient un renfort supplémentaire..
Ultra route : chaussure amortie
Et on peut faire la même chose pour le trail bien sur, sur le même principe.
Ce qui fait un paquet de chaussures ! Notez néanmoins, que si le coureur minimaliste fait des bons choix et ne se trompe pas de chaussures, certes le cout initial sera important (plusieurs paires ou lieu d'une), cela ne lui reviendra pas plus cher à long terme puis chaque paire s'usera moins vite. Ceci bien sur, si les paires achetées ont une bonne durée de vie et si elles sont menées "au bout" pour le coureur (plus ou moins 1000km pour une chaussure normalement résistante, remarquez que certaines chaussures minimalistes sont nettement moins résistantes que leurs concurrentes amorties).
6. Adaptation minimaliste ? ce que personne ne vous dit (ok j'ai honte, c'est purement un "titre accrocheur")
- renforcement musculaire : il me semble indispensable de renforcer ses muscles en dehors des séances avec chaussures minimalistes (ppg, renforcement musculaire, musculation ?, etc). N'oubliez pas que c'est votre corps qui va faire le boulot, et qu'il ne sera pas aidé !
- proprioception de la cheville excellente : surtout avec des zéro drop, si vous passez d'une chaussure amortie avec laquelle vous ne couriez que sur route à une zéro drop sur chemin accidenté aie aie aie ! Il a été montré que le meilleur terrain de course pour renforcer la cheville était un sol dur ET irrégulier (source : sport & vie numéro 125, par exemple).
- poids léger : j'attends de voir le contre exemple (et surtout la généralisation du contre exemple, pas l'exception) mais vraiment je doute, vu les contraintes supplémentaires qui repose sur le corps, que des coureurs lourds puissent s'adapter facilement aux chaussures minimalistes. Je ne dis pas que c'est impossible, mais il faudra être très très très progressif. Je reste convaincu que la meilleure solution malgré tout est de viser son poids de forme, par exemple taille-10kg (source Esprit Trail n° 41 ou Running Coach n°16)
7. et si je veux des chaussures "sur-amorties" ? En toute honnêteté, je trouverais TRÈS normal de ne pas se lancer dans le minimalisme vu l'ampleur du travail à effectuer et les risques liés à une mauvaise pratique.
Dans ce cas, pourquoi ne pas externaliser la solution et de "tout confier à la technologie". J'ai lu sur la clinique du coureur (un ferveur partisan du minimalisme), que ces chaussures ne renforçait rien au niveau musculaire, et que du coup, cela pouvait être particulièrement dangereux sur le long terme.
Chacun choisira en conscience, en fonction de ses aspirations et ses objectifs.
En résumé, la voix médiane, suivi par beaucoup, est de faire les efforts nécessaires à la bonne pratique de SA course à pied, compatible avec SA philosophie, sans croire.. au père noël ;).
Courir avec "moins" de chaussures aura de toute façon des effets positifs sur le renforcement du pied. L'amorti, les renforts, toutes les technologies que l'on trouve dans des chaussures "sophistiquées" ont pour effet de diminuer la force et la souplesse du pied (voir p.11 du livre "La meilleure façon de courir" de Cristophe Carrio). Un travail spécifique, avec une chaussure minimaliste, raisonné et contrôlé devrait avoir des effets bénéfiques même si vous rechaussez vos chaussures amorties après, sur des séances plus longues.
N'hésitez surtout à continuer la discussion en commentaires ;)
En bonus, un article de runblogger (coureur minimaliste) qui vous parle d'une chaussure ultime pour... courir avec une attaque par le talon (ce qui je vous le rappelle est l'exact opposé de ce que l'on recherche en courant avec une chaussure minimaliste) : l'anti-minimaliste Mizumo Wave Prophecy.
7 commentaires:
pas simple en effet...
Ton récap est intéressant, je l'ai partagé sur fb / twitter.
Ma femme va reprendre le sport après sa grossesse. elle repart donc quasiment comme une débutante (30 à 45' de footing très cool, une à deux fois par semaine avant) et j'hésite à la mettre directement en VFF...PS : tu en es où avec les trail glove ?
une petite séance par semaine de 10km max, pas de pb pour l'instant, je préfère prendre mon temps, sinon je fais ma séance vma avec des hyperspeed et j'aime aussi bcp, je me "débasserais" bien de mes grosses amorties, mais je prends mon temps
Super interressant, je suis un coureur en surpoid et je cours avec des mizuno wave création. J'aimerais bien passe au minimalisme, mais la peur de se blesser est trop presente
Super interressant, je suis un coureur en surpoid et je cours avec des mizuno wave création. J'aimerais bien passe au minimalisme, mais la peur de se blesser est trop presente
c'est difficile de trancher, les exemples de blessures sont vraiment vraiment nombreux chez les coureurs minimalistes sur le web
je dois reconnaître que cela a un coté assez grisant, et je dois vraiment faire un effort pour "freiner" ma pratique... et c'est dur parfois de repasser à des chaussures si lourdes...
Ma femme a recommencé de zéro la course à pieds depuis un an. Avant quand elle courait elle avait mal au dos. Elle a décidé d'essayer en VFF. Elle a plus mal au dos et cela se passe très bien. Elle a aussi des chaussures zero drop pour l'hiver et le trail.
merci pour ce témoignage ;)
Enregistrer un commentaire